13 août 2022, 17 heures, Ca de Breil : A la recherche de Giovenale Boetto, probable architecte de l’église Santa Maria in Albis de Breil.
Reconstruite sur un projet établi vers 1670, l’église Santa-Maria in Albis est l’œuvre d’un architecte talentueux, maîtrisant avec clarté et classicisme, la géométrie dans l’espace. Mais la perte d’archives communales ne permet pas d’identifier formellement son auteur. Le style très atypique de l’édifice permet de cerner deux-trois architectes possibles, mais finalement un seul vraisemblable : Giovenale Boetto, de Fossano, ingénieur, topographe, architecte et artiste polyvalent au service du duc de Savoie, en charge de la province de Cuneo.
La reconstruction de l’église paroissiale du village de Breil a été décidée en 1662 sur le site de l’église médiévale très endommagée, en même temps que la reconstruction de la chapelle des Pénitents noirs, mitoyenne au sud, mais des difficultés techniques ont incité à ne pas reprendre le plan de l’édifice trop endommagé.
L’ensemble a été conçu et réalisé alors que Breil faisait partie des Etats de Savoie-Piémont, avec le comté de Nice, depuis 1388. A cette époque, la Roya était un axe politico économique important entre la capitale Turin et le port de Nice, ce qui explique le patrimoine religieux prestigieux qui se trouve dans cette vallée.
Les paroisses de la Roya savoyarde étaient restées rattachées à l’évêché de Vintimille depuis leur refondation à l’époque du Comté médiéval auquel elles étaient alors inféodées, bien que la cité ait été politiquement rattachée à la République de Gènes au XIIIe siècle.
Charles Botton, qui a étudié les archives de l’évêché de Vintimille, pour son histoire de Breil, relate l’implantation de Vaudois et Calvinistes réfugiés dans la Roya au XVIe siècle, encouragés notamment par le comte Claude de Tende, calviniste, mort en 1566. Ces « hérétiques » qui refusaient de payer la dîme ont fait des émules parmi la population locale, et l’entretien des églises déclina.
Pendant la première moitié du XVIIe siècle, diverses calamités (séismes, épidémies, disettes), alors que la stratégie de reconquête du monde chrétien par la Contreréforme de l’Eglise de Rome rencontrait des succès, ramenèrent les Breillois dans le giron du catholicisme. L’église devait être reconstruite, mais en adoptant les nouveaux canons de l’architecture baroque, pour le prestige du duc catholique.
A cette époque, les différents États italiens avaient développé, avec l’aide d’artistes formés à Rome auprès des grands maîtres, leurs propres « versions » du baroque. Le Piémont avait favorisé cet essor artistique, notamment à Turin, restructurée et modernisée sous l’impulsion de l’aristocratie et des puissantes congrégations religieuses.
Charles-Emmanuel I (1562-1630), était un prince cultivé, ami des arts, des lettres, et du faste. En dépit de ses défaites militaires, d’épidémies de peste, et de catastrophes naturelles diverses, le duc poursuivit l’embellissement de Turin et des environs, initié par son père. Il fut notamment le commanditaire du sanctuaire de Vicoforte, œuvre du célèbre architecte Vitozzi, ingénieur militaire et civil venu de Rome, qui le servit jusqu’à la mort.
Son fils Victor-Amédée (1587-1637) ne régna que 7 ans. Sa veuve, Christine de France (1606-1663), fille du roi Henri IV et de Marie de Médicis assura la régence pendant seize ans, en poursuivant l’embellissement de Turin, s’appuyant sur l’architecte en chef Carlo di Castellamonte qui avait succédé à Vitozzi, puis sur son fils et successeur, Amedeo di Castellamonte. Le nombre d’architectes patentés par le duché, exerçant dans le Piémont, augmenta.
Charles-Emmanuel II (1634-1675), accéda au pouvoir en 1648. Sous son règne, de belles et grandes réalisations artistiques et littéraires virent le jour, dont l’audacieuse chapelle du Saint Suaire de Guarino Guarini et la majestueuse place San Carlo à Turin. Le prestigieux Theatrum sabaudiae e piemontese fut imprimé en Hollande, à la gloire de la famille de Savoie et des puissantes villes et places de la Savoie-Piémont représentées sur de superbes gravures.
La construction de l’église de Breil fut entreprise dans ce contexte, où les architectes patentés par le duc rivalisaient de virtuosité dans la constitution du remarquable patrimoine baroque de la capitale et des grandes villes ducales de l’époque…
La conférence du 13 août 2022 exposera le contexte piémontais de l’époque du projet de l’église Santa-Maria in Albis, les indices incitant à l’attribuer à Boetto, et l’œuvre de ce dernier.